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Crédit d’impôt en danger : quelles conséquences pour les services à domicile et leurs bénéficiaires ?
Quand on parle
des services à domicile, il ne s’agit pas seulement de confort. C’est une question de qualité de vie, d’accompagnement essentiel
pour les familles, les personnes âgées, les enfants et les proches aidants.
Depuis des années,
le crédit d’impôt à 50 % permet
à de nombreux foyers français d’accéder à ces services tout en garantissant un emploi stable et déclaré à des milliers de professionnels.
Mais aujourd’hui, ce dispositif phare est menacé par une réforme fiscale en préparation.
Quels sont les enjeux ? Et surtout, que risquent concrètement les familles et les salariés du secteur ?
1. Le crédit d’impôt pour les services à la personne : un levier fiscal au service de l’emploi et du bien-vivre à domicile
Le crédit d’ impôt est un avantage fiscal qui permet aux particuliers de récupérer 50 % des dépenses engagées pour des services à la personne, dans certaines limites. Concrètement, cela signifie qu’ une famille qui dépense 2 000 € pour de l’ aide à domicile peut bénéficier d’ un remboursement de 1 000 € par l’ administration fiscale.
Depuis 2022, une évolution majeure est venue simplifier ce dispositif : l’Avance immédiate du crédit d’impôt. Grâce à ce service proposé par l’ Urssaf, les particuliers employeurs et les clients de prestataires peuvent bénéficier de leur crédit d’impôt immédiatement, sans attendre l’année suivante. Ils ne paient que les 50 % restants dès le moment de la prestation.
Ce dispositif concerne de nombreux services : aide aux personnes âgées ou en situation de handicap, ménage, garde d’enfants, accompagnement aux courses ou à la mobilité, etc.
Mis en place progressivement, le crédit d’impôt dans ce secteur s’est largement développé à partir de 2005, avec la loi Borloo. L’ objectif était clair : encourager l’ emploi déclaré, faciliter l’ accès aux services à domicile et lutter contre le travail dissimulé.
Aujourd’hui, c’est un pilier essentiel de l’ équilibre entre besoins des familles, qualité de vie des bénéficiaires et stabilité des emplois dans ce secteur d’utilité sociale.
2. Pourquoi ce crédit d’impôt est-il essentiel aux services à domicile ?
Le crédit d’impôt à 50 % n’est pas seulement un mécanisme fiscal. Il est le socle d’un modèle social français, reconnu pour sa capacité à réduire le travail dissimulé, favoriser l’emploi déclaré et permettre à toutes les familles d’accéder à des services essentiels.
- Un accès facilité pour des millions de familles
En abaissant le coût des prestations, ce dispositif permet à des millions de Français quels que soient leur âge, leur niveau de revenu ou leur situation familiale de bénéficier de services à domicile tels que l'aide à la toilette, le ménage, les gardes d’enfants, l'accompagnement des personnes âgées… Sans le crédit d’impôt, beaucoup n’y auraient tout simplement pas accès.
- Un levier pour l’emploi déclaré et la professionnalisation
Ce système contribue à la structuration du secteur en incitant au recours à des prestataires déclarés. Il soutient ainsi près de 1,8 million de professionnels qui exercent en toute légalité, avec des droits sociaux et une protection. En limitant le travail au noir, le crédit d’impôt favorise aussi une plus grande reconnaissance des métiers de l’aide à domicile, en majorité exercés par des femmes.
- Un outil clé pour le maintien à domicile
À l’heure du vieillissement de la population, ce dispositif est un enjeu majeur de santé publique et de cohésion sociale. Il permet aux personnes âgées ou en perte d’autonomie de rester chez elles dans de bonnes conditions, tout en allégeant la charge mentale et financière des aidants familiaux.
3. Que prévoit exactement la réforme fiscale pour le crédit d’impôt ?
Annoncée dans le cadre du projet de loi de finances 2026, la réforme fiscale actuellement en discussion prévoit une réduction significative du crédit d’impôt pour certains services à domicile.
Le taux actuel de 50 % pourrait être abaissé à 40 % pour les prestations dites « non essentielles », telles que le ménage, le jardinage ou le petit bricolage.
Autre changement majeur :
le plafond annuel du crédit d’impôt serait revu à la baisse, passant de 12 000 € à environ 3 000 € par foyer.
En revanche, les services considérés comme essentiels notamment la garde d’enfants et l’accompagnement des personnes âgées ou en situation de handicap resteraient éligibles au taux de 50 %.
L’objectif annoncé par le gouvernement est de recentrer le dispositif sur les besoins prioritaires et de générer près d’un milliard d’euros d’économies sur le budget de l’État.
Mais cette distinction entre services essentiels et non essentiels, perçue comme arbitraire par de nombreux professionnels, fait craindre une perte d’accessibilité, de qualité de service, et un retour du travail dissimulé.
4. Mais qu’est-ce qu’on risque vraiment si le crédit d’impôt baisse ?
Derrière une apparente mesure budgétaire se cachent des conséquences très concrètes pour des millions de Français.
- Une perte d’accès pour les familles
Réduire le taux ou le plafond du crédit d’impôt, c’est renchérir le coût des services à domicile pour les foyers. Pour beaucoup, cela pourrait signifier moins d’heures d’aide, voire un renoncement total à certains services pourtant essentiels au quotidien : ménage, accompagnement, aide aux repas ou à la toilette.
- Un risque accru de travail non déclaré
Lorsque le coût des services à domicile devient trop élevé pour les ménages, le recours au travail déclaré tend à reculer. Dans ce contexte, certaines familles pourraient être tentées de se tourner, par contrainte plus que par choix, vers des solutions informelles.
Or, depuis vingt ans, d'importants efforts ont été déployés pour structurer ce secteur, sécuriser les emplois et inciter à la déclaration grâce à un dispositif fiscal incitatif. Réduire brutalement le crédit d’impôt reviendrait à fragiliser cet équilibre, en rendant économiquement plus attractif le recours au travail dissimulé.
Des fédérations professionnelles comme la Fédésap estiment qu’une telle évolution pourrait faire bondir le taux de non-déclaration, notamment pour les services jugés non essentiels. Même si toutes les familles ne franchiraient pas ce pas, le risque est bien réel, et documenté. Ce serait un recul pour les droits des travailleurs, une perte de protection sociale, et à terme, une érosion des recettes publiques.
- Un recul dans le soutien à l’autonomie
Enfin, une baisse de cette aide publique serait un mauvais signal envoyé aux aidants familiaux et aux personnes fragiles, alors même que le maintien à domicile est présenté comme une priorité nationale.
5. Ce genre de mesure n’a-t-il pas déjà été tenté… avec les limites qu’on connaît ?
Oui. Ce n’est pas la première fois qu’une baisse du crédit d’impôt pour les services à domicile est envisagée. Entre 2011 et 2013, une réforme similaire avait été mise en œuvre : suppression partielle de certains services, réduction des plafonds de dépenses éligibles, et durcissement des conditions.
Le résultat a été immédiat : baisse du recours aux services, explosion du travail non déclaré, et des milliers d’emplois perdus dans le secteur.
Face à l’ampleur des effets négatifs, le gouvernement de l’époque a dû faire marche arrière. Cette expérience a depuis servi de référence, et a conduit à renforcer progressivement le dispositif actuel, aujourd’hui reconnu comme l’un des plus performants en Europe pour soutenir les familles tout en favorisant l’emploi local déclaré.
Alors pourquoi risquer de répéter une erreur déjà commise ?
6. Défendre un outil fiscal utile, humain et économiquement rationnel
Face aux pistes de réforme fiscale actuellement à l’étude, plusieurs fédérations représentatives du secteur de l’emploi à domicile expriment leurs préoccupations. La FEPEM (Fédération des particuliers employeurs), la FESP (Fédération du service aux particuliers) et le SYPEM (Syndicat des entreprises mandataires) ont relayé des appels à la vigilance face à une éventuelle réduction du crédit d’impôt pour les services à la personne.
Ces prises de position sont portées par :
- Julie L’Hôtel Delhoume, présidente statutaire de la FEPEM, qui représente environ 3,4 millions de particuliers employeurs en France et près de 1,2 million de salariés déclarés ;
- Brice Alzon, président de la FESP, fédération regroupant de nombreuses entreprises de services à la personne ;
- Et Maxime Aiach, président du SYPEM, syndicat des structures mandataires.
Tous s’accordent à dire que la stabilité du crédit d’impôt de 50 % constitue un pilier essentiel pour :
- Garantir l’accessibilité financière de services à domicile pour les familles, les personnes âgées ou dépendantes ;
- Préserver l’emploi local et déclaré dans un secteur très atomisé et souvent fragile ;
- Et lutter efficacement contre le travail dissimulé, encore estimé à environ 30 à 35 % selon les dernières données connues (URSSAF, Cour des Comptes).
Un dispositif qui rapporte (aussi) à la collectivité
Une étude commandée par la Fédésap — Partie prenante — avance que pour 1 euro de crédit d’impôt versé, l’État et la Sécurité sociale récupèrent environ 1,19 euro, via les cotisations sociales et l’activité générée. Ce chiffre, s’il peut être discuté, illustre une tendance structurelle connue : une large part du coût brut du crédit d’impôt est compensée par le dynamisme économique qu’il soutient
Une alerte partagée sur le terrain
Les structures mandataires, comme Actiomservice (partie prenante mais soucieuse de garder une posture neutre et factuelle), constatent concrètement sur le terrain l’impact incitatif du crédit d’impôt : il encourage les familles à déclarer les prestations, à recourir à des services de qualité, et à inscrire l’aide à domicile dans un cadre stable, professionnel et sécurisé.
Fanny Faugeron, Déléguée Générale de la Fédération Mandataires, rappelle d’ailleurs que ce levier fiscal constitue un investissement social rentable, favorisant :
- La qualité de vie à domicile,
- La prévention de la dépendance,
- Et l’insertion professionnelle de milliers de salarié·es.
Une réduction risquée
Selon une enquête d’opinion TF1/YouGov publiée en 2024, 84 % des Français estiment qu’une réduction du crédit d’impôt augmenterait les incitations à recourir au travail non déclaré. Ce ressenti rejoint les observations du secteur, qui redoute une remise en cause d’un équilibre fragile entre accessibilité des services, fiscalité incitative et respect du droit du travail.
Conclusion : garder le cap de l’intelligence budgétaire
Dans un contexte de recherche d’économies publiques, il peut être tentant de réduire ce crédit d’impôt. Mais les acteurs du secteur rappellent qu’il ne s’agit pas d’une dépense passive : c’est un levier stratégique, au croisement de la justice sociale, de l’emploi local et de la performance publique.
Réduire ce dispositif, c’est prendre le risque de faire reculer le formel au profit du travail dissimulé — avec, in fine, un coût social, fiscal et humain supérieur aux économies espérées.
Maisons Laffitte et Boulogne, le 17 Juillet 2025
Actiomservice